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Cher Amour

 

Bernard Giraudeau

A vue d’œil

 

Bernard Giraudeau, cet acteur me fascinait grandement. Et jusqu’il y a peu, je n’avais rien lu de lui. Je l’ai rencontré dans les rayons d’une bibliothèque et cette rencontre fut heureuse.

 

Ne m’en veuillez pas si elle a suscité une réponse à titre posthume.

 

Cher monsieur G,

 

Votre longue lettre ouverte, je l’ai lue avec émotion.

Dans chacun de vos voyages, vous avez cherché la beauté, la lumière.

Vous célébrez l’instant, l’éphémère, la course des nuages, la rudesse du chemin, cette ligne d’horizon qui toujours recule lorsqu’on s’en approche, défi au perfectionniste que vous étiez.

Perfectionniste ou pétri d’idéaux ?

 

Vous avez mis vos pas dans ceux d'Arthur Rimbaud en terre africaine  et votre évocation est nostalgique , le parcours de Rimbaud en Afrique reste un épais mystère, vous lui écrivez :  " Où sont les couleurs des mots et des voyelles ?"  "Votre travail vous répugne, vous avez le pays en horreur, vous êtes fatigué, tout est laid. Pourquoi cette punition" " C'est étrange , j'ai commencé par la mécanique et je souhaiterais vivement finir par la poésie. Vous souvenez-vous seulement de ce que vous aviez écrit : 


J’ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,
Baiser montant aux yeux des mers avec lenteur,

La circulation des sèves inouïes,
Et l’éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs ! "

 

Vous témoignez de votre vie d’acteur, vie amplifiée et connectée à l’intime de l’artiste, un faux pas sur scène, le trac, les pertes de mémoire résonnaient dans votre vie suscitant chez vous un vif questionnement. «  Il n’y a de méthode que celle d’aller chercher ce que nous sommes profondément ... » dites-vous ; apprentissage d’une vie.

 

Oh que j’aime vos regards qui sont une ode à la Femme, aux femmes d’hier et d’aujourd’hui, celles que avez rencontrées sur les chemins, dans les mots ou sur scène : la grâce d’une démarche, la fragilité d’un sourire, la tristesse dans l’ombre d’un visage, la noblesse et l’intrépidité, vous avez vécu avec passion, tendresse et dans un grand respect de celles qui ont peuplé vos rêves, vos jours, vos nuit et ont été de tous vos voyages.

 

Vous faites preuve également de tant d’humanité lorsque vous êtes confrontés à la vie des parias de cette terre, ceux pour qui la vie est désespérance et qui pourtant, sourient, vous parlez de ceux-là, vous les regardez avec une grande tendresse et, entre vos mots lorsque vous parlez d’eux, j’ai cru déceler un zeste d’impatience, de révolte.

 

Vous avez offert à vos spectateurs, à vos lecteurs la grâce de votre talent, votre charisme, vos tendresses, vos sourires et je souhaite vous en remercier.

 

Enfin votre maladie, vous l’abordez avec pudeur entre  les mots, vous dites comment vous avez avancé parfois contre elle ou malgré elle, l’accepter, entendre ce qu’elle vous disait ne fut pas votre plus courte errance.

 

Vous m’avez offert avec cet écrit un long périple immobile ; tour à tour carnet de voyages, conseils d’artistes, poèmes et méditation sur le monde, sur la vie ; chant d’amour.

 

C’est donc avec gratitude que je clos cette lettre. Je continuerai à côtoyer votre œuvre, vos mots, m’en vais les triturer et j’y découvre comme un phare traçant le chemin parmi les écueils. Merci.

 

 

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